Le référendum de 1995 a frôlé la bascule. Le « Non » l’a emporté par moins de 55 000 voix. Mais derrière ce résultat, il y a des manœuvres, des financements troubles et des opérations qui ont laissé des traces. Voici un résumé net, sourcé et sans fioritures.
1) Rallyes coordonnés et logistique pour gonfler le « Non »
Des personnalités fédérales ont encouragé des Canadiens hors Québec à venir à Montréal pour le grand rassemblement fédéraliste (le « Unity Rally ») les 26–27 octobre 1995. Des compagnies aériennes et des cars ont été sollicités pour transporter des sympathisants, et des ventes à prix très réduits ont été promues. Cette mobilisation a été perçue par le camp du « Oui » comme une intervention massive provenant de l’extérieur.
2) Option Canada et des fonds publics utilisés pour promouvoir le fédéralisme
Plusieurs groupes fédéralistes ont reçu des fonds publics. Option Canada — créé pour promouvoir l’unité — a touché des sommes importantes du ministère du Patrimoine canadien en 1994–1996. Après coup, des enquêtes ont montré que des dépenses n’avaient pas été déclarées et que certaines activités visaient à influencer le référendum.
Un autre volet explosif : l’ancien ministre de l’Immigration Sergio Marchi a confirmé que Jean Chrétien lui avait demandé d’accélérer le traitement des demandes de citoyenneté avant le référendum de 1995, afin que davantage de nouveaux citoyens puissent voter. Cette accélération — qualifiée par certains de « citizenship blitz » — alimente l’argument selon lequel l’exécutif fédéral a utilisé les leviers administratifs pour peser sur le scrutin.
3) Dépenses non déclarées et rapport Grenier : 539 000 $
Une enquête mandatée par l’Autorité électorale du Québec (juge Bernard Grenier) a conclu que des organisations fédéralistes n’avaient pas déclaré 539 000 $ de dépenses liées à la campagne du « Non ». Ce montant représente des infractions aux règles de transparence de l’époque. Ces faits ont relancé les demandes pour la publication de documents et de témoins liés à cette période.
4) Le Programme de commandite (AdScam) : la suite révélatrice
Quelques années plus tard, l’enquête Gomery a révélé que le gouvernement libéral avait lancé, au milieu des années 1990, un Programme de commandite pour contrer le séparatisme. Ce programme a ensuite été entaché de détournements et de contrats accordés à des firmes liées au parti. Gomery souligne l’origine du programme au tournant 1994–1995 et relie son objectif à la lutte contre la vague souverainiste post-référendum.
5) Contestations procédurales et bulletins rejetés
Après le vote, des controverses ont éclaté autour de bulletins rejetés et de problèmes de comptage dans certaines circonscriptions. Des études universitaires ont noté des variations anormales de bulletins rejetés selon le résultat local (plus de rejets dans certains secteurs favorables au « No »), ce qui a alimenté les soupçons et les accusations de manipulation procédurale.
FAQ — les questions que se pose votre lectorat
1) Le gouvernement libéral a-t-il illégalement acheté le référendum ?
Il n’y a pas eu de condamnation pénale généralisée qui affirme «achat» du référendum, mais des enquêtes (Grenier, Gomery) ont documenté des dépenses non déclarées et un usage problématique de fonds publics pour des activités visant à promouvoir le fédéralisme.
2) Qu’est-ce qu’Option Canada ?
Option Canada était un organisme pro-fédéraliste qui a reçu des fonds publics pour des activités de «promotion de l’unité» au Québec. Son rôle et ses financements ont fait l’objet de critiques et d’enquêtes.
3) Le Programme de commandite (AdScam) est-il lié directement à 1995 ?
Oui. Le programme a été créé pour contrer le séparatisme après 1995 et son origine remonte à 1994–95. La commission Gomery a montré que le programme a ensuite été exploité de façon douteuse.
4) Les résultats auraient-ils été différents sans ces interventions ?
Impossible de l’affirmer catégoriquement. Le vote fut très serré; cependant, la mobilisation externe et les dépenses non déclarées ont très probablement influencé l’équilibre. Les enquêtes ont confirmé l’existence d’effets, mais pas une causalité unique et absolue.
5) Où trouver les documents originaux et rapports ?
Lire le rapport Gomery pour le Programme de commandite et le rapport Grenier pour les dépenses liées au référendum. Les grands médias nationaux (CBC, Global News) ont aussi des dossiers et rétrospectives.
Conclusion :
Le résultat de 1995 a été façonné par une combinaison d’actions publiques et privées : rallyes massifs, financements opaques et programmes fédéraux conçus pour contrer le oui. Les enquêtes postérieures ont confirmé plusieurs manœuvres documentées.
